Directeur Général Mr. Federico Mayor UNESCO 7, Place de Fontenoy 75700 Paris 22 Juin 1995 Monsieur le Directeur Général, Par la présente lettre, nous aimerions attirer votre attention sur les conditions lamentables dans lesquelles se déroulent les fouilles d'un des plus grands chantiers archéologiques du 20ème siècle, à savoir celui de Beyrouth. Il n'est guère besoin de vous rappeler l'importance de ces fouilles. Celles-ci ayant fait l'objet de plusieurs cris d'alarmes parus dans la presse internationale, et d'une visite de journalistes européens organsée par l'UNESCO. Des extraits d'un article paru le 2 Juin dans le journal "Le Monde", page 29, sont inclus ci-dessous. Monsieur le Directeur, Le patrimoine historique et culturel qui reste à decouvrir grâce à cette opportunité unique que présente la reconstruction de la ville de Beyrouth, n'appartient pas seulement aux Libanais mais au monde entier. A cet égard, il nous semble que l'UNESCO ait un rôle primordial à jouer dans ces fouilles. Dans le passé, l'UNESCO a su faire face à des projets d'envergure mondiale, bien plus grands et plus coûteux, tels les projets d'Abou-Simbel, d'Angkor et de Venise. Ces projets sont souvent cités parmi les plus glorieux entrepris par votre organisation. En ces sombres jours où la politique semble entraver aussi bien les fouilles au Liban que les organisations mondiales des Nations Unies, nous osons espérer que votre administration saura faire face. Dans la mesure où l'UNESCO, gardienne de l'heritage culturel de l'humanité, s'assure du bon déroulement des fouilles de Beyrouth, ces dernières lui offrent en effet une opportunité exceptionnelle pour faire apprecier encore plus ses activites humanitaires dans une region tourmentée par des conflits sanguinaires. Apres 17 ans de guerre fratricide, le décès de plusieurs milliers de personnes et la destruction de Beyrouth, nous avons très peu à montrer à nos enfants. Ces fouilles pourraient représenter, en quelque sorte, la revanche de la culture sur la haine, du renouveau sur la mort de la civilisation sur l'obscurantisme. Veuillez agréer, cher Monsieur, l'expression de nos sentiments les meilleurs. Pour les signataires (les signatures sont adjointes ci-dessous) Elie Wardini Des extraits d'un article apparu dans le journal "Le Monde" le 2 juin 1995, page 29. "... Ibrahim Kowatli etait charge de surveiller les engins mecaniques travaillant a mettre en place la nouvelle infrastructure de ceux centre-ville ... et de les arreter quand ils tombaient sur une trouvaille. «J'etai seul pour couvrir sept sites avec des stagiaires. Solidere ne nous prevenait jamais quand elle attaquait un nouveau secteur. Parfois les equipes de la societe fonciere travaillaient la nuit. En mon absence. Trop souvent je n'ai pu que constater des degats. Trop tard.»... "... Leila Badre, ... se plaint du manque de cooperation entre les differents chantiers et de la difficulte de programmer des fouilles sans connaitre le calendrier de Solidere. Nagi Karam, de l'universit libanaise, explique: «Solidere nous demande ce qu'on va trouver et combien de temps ca va nous prendre. Or dans le domaine de l'archeologie, ces questions n'ont pas de sense.» D'autant que les fouilles du centre-ville «nous font aller de surprises en surprises», indique Helga Seeden, de l'Universite americaine de Beyrouth. «Nous trouvons des informations completement nouvelles sur la cite. Il aurait du avoir une concertation prealable avant les travaux. Cela n' pas ete fait.» Philippe Marquis ... reconnait neanmoins qu'il aurait fallu moins de precipitation, que les souks aurait pu etre mieux fouilles. «Nous donnons des elements aux politiques et c'est eux qui jugent, ajoute-t-il. Mais bien sur, il y a des seuils qu'on ne peux pas depasser.»... "Pierre Masson. archeologue dependant de la region Ile-de-France et qui a passe huit mois sur les fouilles de Beyrouth, a le regard plus froid: «En terms d'archeologie urbaine,c'est ici le plus grands chantier jamais entrepris. Si les surfaces sont enormes, les contraintes ne le sont pas moins. Les archeologues doivent affronter un manque d'organisation flagrant, composer avec un cadre legal qui n'est que de facade, chercher des interlocuteurs au sein d'une administration inexistante. L'ampleur des fouilles a nececite la mise en place de strategies differentes, parfois brouillonnes, contradictiores, au gre des acteurs. Le grand probleme a resoudre est la coherence scientifique de ces diverses intervantions..." (115 international signatories)