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Le nom d'Abizion est une forme du nom de la diablesse, que le testament de Salomon nomme Obyzouth (27), tandis que les diverses rédactions du phylactère de S. Sisinnius, et certains textes grecs du moyen-âge, la nomment Byzou, ou Abyzou, ou Abiziou (28). Ce n'est d'ailleurs là qu'un seul de ses noms, dont les textes se plaisent à énumérer une série, parfois douze et demi, parfois quarante. Les méfaits de la diablesse sont de toute espèce, mais celui que les anciens semblent lui avoir imputé le plus souvent consistait à provoquer insidieusement la mort des nouveaux nés : la mortalité infantile, toujours si grande en Orient, et dont les causes étaient si malaisées à percevoir, semblait due à la goule qui suçait leur sang, et l'on multipliait les talismans pour l'écarter.

On a beaucoup écrit sur S. Sisinnius vainqueur de la diablesse, mais on n'a pas insisté sur le fait que son intervention est toujours provoquée par les crimes que la diablesse perpètre sur les enfants. D'après la légende éthiopienne (29), la soeur du saint avait donné le jour, dans Antioche, à un enfant qu'elle tua pour en boire le sang ; sur quoi son frère la poursuivit à cheval et la transperça. Selon les phylactères grecs établis en son nom au moyen-âge (30), Sisinnius triomphe de la diablesse dans une circonstance différente. Une dame de Constantinople avait vu ravir successivement sept de ses enfants Par une diablesse, la sale et impure Gyllou ; celle-ci fut alors poursuivie par les trois frères de la dame, nommés Sisinnius, Sinès et Sinodore, qui lui ravirent sa proie, la forcèrent à livrer ses douze noms et une de ses deux tresses de cheveux, et lui arrachèrent la promesse de ne pas s'approcher à plus de trois milles des maisons où seraient inscrits les noms de saints et les siens propres. Enfin la diablesse Alabasdria, que transperce S. Sisinnius dans la célèbre fresque du couvent de Baouît en haute Égypte, est figurée elle aussi comme une voleuse d'enfants (31). Il semble donc bien que Sisinnius fût le protecteur attitré de la première enfance, et c'est pourquoi un manuscrit arabe de la Vaticane prescrit d'attacher au cou d'un bébé une prière à ce grand saint (32). je serais porté à croire que l'amulette de Beyrouth était suspendue elle aussi au cou de quelque petit Theodoros pour le protéger contre l'attaque de la goule, et que la destination de touts les amulettes de S. Sisinnius était probablement la même.

Quant au nom de Sisinnia, il apparaît ici pour la première fois. L'on croirait volontiers qu'il désigne une soeur de Sisinnius, ce qui refléterait une version où cette dame, loin d'être elle-même la diablesse que son frère sera contraint d'exterminer, est au contraire son alliée, comme dans la seconde légende à laquelle nous ayons fait allusion. Quoi qu'il en soit, S. Sisinnius paraît avoir souvent manifesté une grande aptitude à se dédoubler. Nous avons déjà vu les trois frères Sisinnius, Sinès, et Sinodore. Une amulette, qui représente le cavalier et la diablesse, joint


27. Testam. Salom., 13.
28. Perdrizet, p. 21; Pradel, Griechische Gebete des Mittelalters, index, p. 146.
29. Basset, Les apocryphes éthiopiens, 4, p. 10 s.; cf. Peterson, p. 115, qui cite quelques textes analogues.

 

31. Clédat, Le monastère et la nécropole de Baouît, pl. 55 et 56; Perdrizet, p. 13 s.; cf. p. 31, note 1.
32. Manuscrit N\o 118 (cf. Mai, Script. vet. nova collectio, 4, p. 240), cité par Peterson, p. 120, note 1.


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