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3. LA SOUPLESSE DU MOISSONNEUR.

Un autre talisman que l'on rencontre fréquemment en Syrie (37), sous forme de petites intailles gravées dans l'hématite, représente un moissonneur coupant quelques épis de blé avec sa faucille (fig. 6). Comme l'ibis affamé, ce type semble emprunté à l'Égypte, car il est copié sur celui de quelques monnaies alexandrines d'Antonin le Pieux (38), dont il reproduit jusqu'aux détails. Et comme l'ibis affamé, le moissonneur mystique a été l'objet d'exégèses savantes, alors qu'il s'explique par une association d'idées digne d'un enfant.

Fig. 6
Fig. 6.

Disons d'abord que nos intailles ne peuvent s'expliquer par les monnaies alexandrines qui leur ont servi de modèle. Le type du moissonneur n'orne ces pièces, en même temps que celui du laboureur, que pendant un an, en 141/142, et l'on a coutume de ranger l'un et l'autre parmi les types astrologiques chers au règne d'Antonin. En réalité, il est permis de se demander si une récolte particulièrement heureuse ne justifierait pas mieux cette apparition tout occasionnelle (39) : Stuart Poole a bien découvert (40) dans la Sphaera barbarica une constellation du Laboureur, mais aucune trace du moissonneur, ce qui met en péril son exégèse des deux types (41). Et cette exégèse fût-elle vraie contre toute attente, une constellation aussi inconnue ne s'expliquerait pas sur un talisman aussi populaire. C'est ce qu'a dû sentir Babelon, qui propose de reconnaître sur nos intailles le moissonneur Li-' tyersès. De Ridder songe plutôt au moissonneur de l'Évangile. Mais aucune de ces hypothèses ne se laisse pousser bien loin, et l'on va voir en effet qu'il s'agit de tout autre chose.

Presque toutes les intailles au moissonneur portent au revers la légende jusqu'ici fort énigmatique. La seule explication que j'en connaisse a été


37. De Ridder, Catalogue de la collection de Clerq, 7, 3488 et 3489. - Exemplaires analogues à Paris (Babelon, Guide illustré p. 55, no 1835 du Cabinet des Médailles, bis), à Londres (Hall, Catalogue of the 5th and 6th Egyptian Rooms, p. 231, n\o 46).
38 Stuart Poole, British Museum Catalogue, Alexandria, p. LVII s., et n\o 1092; Vogt, Alexandrinische Kaisermünzen, 1, p. 115; p. 68.-Ce type aurait-il quelque rapport avec l' , qui semble être un aspect d'Agathodémon (Preisendanz,

 

Papyri graecae magicae 1, 1, 26 s. :
cf. le commentaire de Hopfner,
Griechisch-Aegyptischer Offenbarungszauber, 2, § 133) ?
39. Drexler, Wochenschrift fûr klassische Philologie, 1895, p. 29 s.
40. Stuart Poole, British Museum Catalogue, Alexandria, p. LVII s.
41. C'est ce qu'a bien vu Boll, Sphaera, p. 230 s.


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